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Le Comte de Monte-Cristo : adaptation réussie ou ratée ?

Il est LE phénomène sur toutes les bouches, sur tous les réseaux, celui pour qui tout le monde se rue en salle, que vaut réellement Le Comte de Monte-Cristo ? (Semaine spéciale "fête du cinéma")

CINÉMA

7/3/20246 min read

Pierre Niney dans le Comte de Monte-Cristo
Pierre Niney dans le Comte de Monte-Cristo

Le Comte de Monte-Cristo porte Alexandre Dumas sur grand écran

Ce n'est bien sûr pas la première fois qu'une telle adaptation voit le jour concernant ce roman de la littérature classique - nous pensons évidemment à celle avec Gérard Depardieu -, mais c'est peut-être bien la première fois où, enfin, les réalisateurs français, en l'occurrence Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, se donnent les moyens de leur ambition. Car oui, que l'on arrête tout suspense et que l'on se le dise d'entrée : la première chose qui frappe, c'est l'envergure du tournage. Déjà la bande annonce nous avait mis l'eau à la bouche, nous dévoilant une mise en scène des personnages, une exploitation de l'environnement, des lieux, des costumes, de l'époque très intéressante dans notre cinéma souvent, il faut l'avouer, raplapla, assez morne, et bien souvent, pardonnez-nous d'avance cette expression, assez "cucul la praline". Là non, c'est clair, net et précis : les deux réalisateurs, bien aidés financièrement par tout un écosystème, ont mis les moyens, ont investi, ont vu grand, ont vu large, ont vu selon un prisme romantique, faisant honneur à Alexandre Dumas qui, nous en sommes certains, eût été fort impressionné par le résultat final.

Une aventure épique, romantique, politique

Oui, tout est condensé entre ces trois termes : épique, romantique, politique. Epique car c'est une histoire de vengeance, de rébellion contre une injustice intolérable, contre une traitrise insupportable, et parce qu'Edmond Dantès, s'adaptant à cette nouvelle réalité, projette, dans son emprisonnement, un projet d'évasion auprès d'un camarade grâce à qui il s'enrichira, et entamera son périple ; romantique car, de pair avec ce nouveau périple, il va devoir surmonter de lourdes épreuves, prendre son mal en patience, souffrir en silence, essuyer ses pleurs, blinder son cœur, oublier ce qu'il était jadis, oublier son grand amour, celui de Mercedes, et oublier les promesses que sa jeunesse et sa situation lui auguraient il y a déjà de nombreuses années, et se créer, pour mieux se dissimuler, pour mieux poursuivre ses buts, pour mieux survivre surtout, une identité factice certes, mais nouvelle aux yeux du monde : celle du comte de Monte-Cristo ; politique enfin car c'est là le domaine qui l'a perdu, et dans lequel, s'il veut réussir ses plans, il doit s'introduire par des codes propres à ce milieu : la duplicité, les compromissions, les diners d'affaires, les mondanités, les caresses verbales, les fausses histoires, les faux rires. Toute l'intrigue est là, dans ce triptyque. Tout le film, pendant trois heures, narre cette aventure épique, romantique, politique.

Deux bémols à un film autrement séduisant

Deux bémols qui ne nous ont pas sortis du film, mais que nous avons remarqués pendant la séance et qui, selon nous, méritent d'être partagés si nous nous montrons un brin pointilleux. Et en même temps, que serait un article si tout était bon et merveilleux ? Un peu de piquant ne fait jamais de mal à personne.

Le premier point, cela surprendra peut-être, grincera des dents peut-être, ou s'accordera avec le constat de certains lecteurs, c'est Pierre Niney. Aïe. Nous ne disons pas qu'il est mauvais ; nous ne disons pas que sa comédie est surjouée, qu'elle se voit à des kilomètres à la ronde ; nous ne disons pas non plus que son rôle est trop ample pour lui ; nous disons simplement que nous lui trouvons, sans méchanceté, un manque de charisme, d'énergie, d'émotion dans son jeu. Pendant trois heures - hormis la merveilleuse scène du guet-apens avec ce sublime plan sur la cathédrale et ses vitraux orangés, ainsi que quelques autres -, il nous a semblé froid, éloigné de toute humanité, comme robotisé. Alors oui, nous vous entendons déjà : "Mais c'est son interprétation qui veut ça !" Oui, bien sûr, nous sommes totalement d'accord, mais cela n'empêche pas non plus une certaine émotion dans les moments qui, justement, en sont remplis. La scène déchirante entre lui et Mercedes, peu avant la fin, est bien mieux jouée du côté d'Anaïs Demoustier (Mercedes) que du côté de Pierre Niney. Alors, encore une fois, c'est le personnage qui veut cela, car à force de s'hermétiser émotionnellement, il a malheureusement asséché son cœur par la force des choses ; mais, pourtant, sur l'ensemble de la projection, la prestation de Pierre Niney, bien que satisfaisante, ne nous a pas transportés comme attendu. Depardieu par exemple, avait une gueule, une prestance, un aura qui capturait la caméra dès lors qu'elle se posait sur sa peau ; Niney au contraire, semble parfois en décalage. Bref, pas totalement convaincus.

Le second point, mais c'est là encore du chipotage, c'est le souffle du film. Bien que l'écriture, le rythme, la narration soit prenante, captivante, il nous a manqué une explosion des sens dans les moments soit les plus intenses émotionnellement, soit les plus dramatiques. La musique est jolie, très orchestrale avec ses violons et ses percussions, accentuant la tension et le suspense, mais nous aurions aimé, notamment vers la fin du film, une confrontation plus longue, plus hargneuse, plus dramatique encore une fois, c'est-à-dire un final où l'on sent, pour le dire franchement, ce que le cinéma américain fait de mieux : un feu d'artifice. Comment, là encore, ne pas songer à la détention d'Edmond Dantès, lorsque sa barbe est longue, que la crasse suinte sur sa peau et qu'il devient presque aveugle tant il est enchainé dans l'obscurité ? C'était, à titre de comparaison, bien moins épique, subjuguant que l'emprisonnement de Bruce Wayne dans le dernier Batman de la trilogie de Christopher Nolan, The Dark Knight Rises, où, là, la fameuse musique Why do we fall ? d'Hans Zimmer multipliait par dix les enjeux de son évasion, et où les cris d'encouragement des codétenus augmentaient la pression, faisant bien comprendre aux spectateurs que c'était un instant crucial et pour Bruce Wayne et son développement, et pour la suite du film.

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Le Comte de Monte-Cristo, un pari gagnant

Pari gagnant en effet car bien que l'œuvre d'Alexandre Dumas soit légendaire, elle n'a plus la même force qu'il y a quelques décennies dans un pays qui, hélas, lit de moins en moins ; et c'est là son pari gagnant, car cela pouvait poser question que d'adapter un tel roman dans une telle époque. Mais cette adaptation, en lui faisant honneur, en capturant son essence, arrive à le retransmettre sur grand écran en respectant et son univers, et ses personnages, et son auteur, et son décorum. Et même si par moment on reconnait la touche par trop française - manque d'explosivité, manque d'émotion, manque d'ampleur -, c'est une adaptation d'un grand niveau, d'une grande fidélité. Pari gagnant aussi que de s'appuyer, pour illustrer le XIXe siècle, sur ce que notre patrimoine architectural et naturel offre de plus beau en Europe : les châteaux, les jardins, les paysages, les champs, les forêts, les dorures, les candélabres, les miroirs, les bijoux. Pari gagnant que de prouver que notre imaginaire culturel, porté à l'ère du temps, celle de l'image, peut encore éblouir, captiver, faire voyager des esprits qui, sans cela, pourriraient dans le marasme et la distraction abêtissante. C'est donc là le plus gros point fort de ce Comte de Monte-Cristo d'Alexandre de La Patellière et de Matthieu Delaporte : prouver que lorsqu'il s'en donne les moyens, lorsqu'il puise l'inspiration dans ce qui l'a précédé, et dans ce qui nourrira toujours la France, sa culture et son imagination, le cinéma français peut composer une œuvre très sérieuse, à la fois bien filmée, bien contée, bien jouée, et à la fois motivante pour ses contemporains, leur démontrant que l'homme, comme le montre si bien notre littérature, a les ressources en lui pour se battre, pour se dresser, pour braver les déconvenues et donner un sens à son existence pour peu qu'il ait assez de foi pour croire en ses capacités et en sa destinée.

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