L'empêchement de la littérature vu par George Orwell
Pour George Orwell, c'est clair, il y a des sujets qui, en certaines époques, pour ne pas heurter la sensibilité des plus émotifs, sont absolument proscrits. Mais quel est le danger de cet empêchement de la littérature ?
LITTÉRATURE
5/10/20246 min read


George Orwell et la liberté
On ne présente plus George Orwell ! Connu pour son œuvre résolument engagée, il n'a, de son vivant, cessé de lutter contre les injustices, le totalitarisme, les inégalités, l'endoctrinement, la propagande et l'esclavagisme moderne causé par des systèmes politiques inhumains, des systèmes technophiles où l'individu n'est plus un citoyen, à peine un homme, mais déjà un rouage pour la mécanique étatique. Comment, en ce cas, ne pas citer le Lion et la Licorne, Hommage à la Catalogne ou encore ses deux chefs-d'œuvre : La ferme des animaux et 1984 ?
L'empêchement de la littérature à cause de deux catégories
"Parler de liberté n'a de sens qu'a condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre", comme l'écrivait l'Anglais dans sa préface de La Ferme des animaux. Cette phrase, à elle seule, résume parfaitement l'esprit de son opuscule. C'est lors d'un rassemblement au PEN Club pour célébrer le tricentenaire de L'Aeropagitica de Milton, dans lequel l'auteur britannique évoque la liberté de presse et la censure, que George Orwell prend conscience de la délicate situation dans laquelle se trouve la littérature. Pour lui, "l'idée de liberté de pensée est attaquée par deux groupes" : d'un côté "ses ennemis théoriques", ceux qui louent le totalitarisme et ses bienfaits ; de l'autre, "ses ennemis concrets", c'est-à-dire les monopoles et le bureaucratie. Ces deux groupes poursuivent chacun leur but dans l'optique de satisfaire des ambitions distinctes certes, mais plus ou moins similaires : les premiers, dans un but de contrôle politique absolu, veulent supprimer toute dissidence, quelle qu'elle soit, et ce, coûte que coûte afin d'uniformiser les esprits et n'autoriser qu'un seul modèle : celui du tyran ; les seconds, par l'argent et les intérêts de carrières, ne veulent aucun conflit, raison pour laquelle ils soudoient, achètent, conquièrent leurs concurrents pour les entreprises, et se taisent, et suivent les ordres pour les bureaucrates. Les uns veulent tout dominer, les autres ne rien perdre.
"Tout à notre époque concourt à transformer l'écrivain, ainsi que les autres types d'artistes, en un fonctionnaire de second rang, qui travaille sur des sujets transmis d'en haut sans jamais pouvoir dire ce qui lui semble, à lui, être l'entière vérité."
En effet, si l'écrivain se cantonne à un second rôle, s'il n'explore pas lui-même les sentiers qui lui permettent d'atteindre de nouvelles vérités, de trouver de nouvelles réponses aux questions de son temps qui d'autre le fera ? La réponse est aussi simple que tragique : le gouvernement ou la finance. Selon son pays dictatorial, il se taira par crainte de sa vie et de son confort, ce qui revient à se conformer, à plier l'échine et refuser sa mission artistique ; selon sa situation financière, son ambition et sa philosophie de vie, il acceptera d'écrire sous commande, ce qui revient, là encore, à se conformer aux désidératas de son chef, à plier l'échine et refuser sa mission artistique.
"L'indépendance de l'écrivain et de l'artiste est érodée par de vagues forces économiques, et en même temps sapée par ceux qui devraient pourtant la défendre."
L'écrivain, résistant dans l'âme
"La liberté de pensée signifie la liberté de relater ce que l'on a vu, entendu, senti, et non être obligée de fabriquer des faits et des sentiments imaginaires."
Toute dictature en effet, qu'elle soit politique ou économique, s'appuie sur un narratif complétement biaisé, écarté de toute réalité ; un narratif qui convient pourtant à la vision unique et à cette volonté, politiquement ou financièrement, d'accoutumer le grand public à une fiction qui, force d'être rabâchée et rabâchée, devient réalité quand ladite réalité justement, force d'être dédaignée encore et encore, devient, elle, fiction. Pour ce faire, les forces en présence falsifient les faits, réécrivent l'histoire, arrangent les épisodes les plus sanguinaires pour légitimer leurs actes, les rendre plus acceptables et donc les faire coller à leurs discours tout comme, simultanément, ils justifient leurs directives présentes. C'est là un mensonge étatique "d'intégralement lié au totalitarisme", une approche totalement fausse, et donc, par définition, totalement absurde.
Pour éviter ce piège mortel, il est capital que l'artiste, par la peinture, le cinéma, le roman, l'essai, le pamphlet ou la poésie, exprime sa vérité qui, bien que subjective, reste cependant authentique, fortement ancrée dans la réalité et non la fiction. Il doit comprendre que l'urgence de sa société passe avant son propre salut, qu'il est un missionnaire, un héros des temps modernes, et qu'il doit, bon gré mal gré, tenir bon, quitte à vivre dans le dénuement, la misère profonde, la solitude insupportable ou, dans le pire des cas, le goulag.
"Au-dessus d'un niveau relativement bas, la littérature est une tentative d'influencer le point de vue de ses contemporains en relatant son expérience propre."


Perte de l'indépendance morale
"Parler de liberté n'a de sens qu'a condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre", comme l'écrivait l'Anglais dans sa préface de La Ferme des animaux. Cette phrase, à elle seule, résume parfaitement l'esprit de son opuscule. C'est lors d'un rassemblement au PEN Club pour célébrer le tricentenaire de L'Aeropagitica de Milton, dans lequel l'auteur britannique évoque la liberté de presse et la censure, que George Orwell prend conscience de la délicate situation dans laquelle se trouve la littérature. Pour lui, "l'idée de liberté de pensée est attaquée par deux groupes" : d'un côté "ses ennemis théoriques", ceux qui louent le totalitarisme et ses bienfaits ; de l'autre, "ses ennemis concrets", c'est-à-dire les monopoles et le bureaucratie. Ces deux groupes poursuivent chacun leur but dans l'optique de satisfaire des ambitions distinctes certes, mais plus ou moins similaires : les premiers, dans un but de contrôle politique absolu, veulent supprimer toute dissidence, quelle qu'elle soit, et ce, coûte que coûte afin d'uniformiser les esprits et n'autoriser qu'un seul modèle : celui du tyran ; les seconds, par l'argent et les intérêts de carrières, ne veulent aucun conflit, raison pour laquelle ils soudoient, achètent, conquièrent leurs concurrents pour les entreprises, et se taisent, et suivent les ordres pour les bureaucrates. Les uns veulent tout dominer, les autres ne rien perdre.
"Tout à notre époque concourt à transformer l'écrivain, ainsi que les autres types d'artistes, en un fonctionnaire de second rang, qui travaille sur des sujets transmis d'en haut sans jamais pouvoir dire ce qui lui semble, à lui, être l'entière vérité."
En effet, si l'écrivain se cantonne à un second rôle, s'il n'explore pas lui-même les sentiers qui lui permettent d'atteindre de nouvelles vérités, de trouver de nouvelles réponses aux questions de son temps qui d'autre le fera ? La réponse est aussi simple que tragique : le gouvernement ou la finance. Selon son pays dictatorial, il se taira par crainte de sa vie et de son confort, ce qui revient à se conformer, à plier l'échine et refuser sa mission artistique ; selon sa situation financière, son ambition et sa philosophie de vie, il acceptera d'écrire sous commande, ce qui revient, là encore, à se conformer aux désidératas de son chef, à plier l'échine et refuser sa mission artistique.
"L'indépendance de l'écrivain et de l'artiste est érodée par de vagues forces économiques, et en même temps sapée par ceux qui devraient pourtant la défendre."
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Un dernier mot
Nous terminerons sur cette citation de George Orwell qui, selon nous, résume parfaitement son opuscule, L'empêchement de la littérature : "Pour écrire une langue claire et énergique, il faut pouvoir penser courageusement, et si l'on pense courageusement on ne peut pas être politiquement orthodoxe."