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Les liaisons dangereuses : le classique révolutionnaire

On le sait, la Révolution Française, avant même d'être politique, économique, militaire, était avant tout philosophique. Ainsi, les idéaux des Lumières séduisaient par l'art littéraire, et Les liaisons dangereuses ne dérogent pas à la règle puisqu'elles nous dévoilent une noblesse pourrie jusqu'à la moelle.

LITTÉRATURE

5/31/20246 min read

Pierre Choderlos de Laclos, un officier Français

Né en 1743 et mort en 1803, Pierre Choderlos de Laclos a eu une grande carrière militaire en tant qu'officier dans l'armée Française ; mais son rôle ne se limite pas à cela, puisque il a joué un rôle prépondérant, du moins dans les esprits, lors de la Révolution de 1789. Fervent partisan de Rousseau et de son roman Julie ou la Nouvelle Héloïse, il se lance dès 1778 dans la rédaction de ce qui deviendra son chef-d'oeuvre : Les liaisons dangereuses, l'un des plus sulfureux romans de notre littérature nationale.

Un roman aux idées subversives

Bien que l'éditeur de l'époque prévienne directement le lecteur par ces mots : "Nous croyons devoir prévenir le public que, malgré le titre de cet ouvrage et ce qu'en dit le rédacteur dans sa préface, nous ne garantissons pas l'authenticité de ce recueil, et que nous avons même de fortes raisons de penser que ce n'est qu'un roman", il n'est cependant pas dupe : il sait, tout comme l'auteur, que ce roman est une photographie des mœurs viciés d'une noblesse arrivée en bout de course. Pourquoi autant de protection, alors ? Car le roman, par cela seul qu'il photographie cette pourriture des mœurs, en vient à choquer l'ancienne morale en cette société de la fin du XVIIIe siècle. Il continue : "[...] il est impossible de supposer qu'ils aient vécu dans notre siècle ; dans ce siècle de philosophie, où les lumières, répandues de toutes parts, ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnêtes et toutes les femmes si modestes et réservées."

C'est là un argumentaire qui a son pesant de mérite, il faut le reconnaitre, car sous prétexte de se dissocier des idées du roman, auteur et éditeur se cachent derrière la fiction pour subvertir délicatement les esprits, les accoutumant à la licence plutôt qu'à les prévenir de ses méfaits. Le fait qu'ils louent avec tant d'enthousiasme le siècle des Lumières prouve, selon nous, leur duplicité, car Les liaisons dangereuses sont à l'image, en tous points, de la morale dite "illuminée", c'est-à-dire une morale de l'inversion, où tout est permis, où rien n'est interdit, où le mensonge, la trahison, la manipulation et les sensations dictent les relations comme les vies, lesquelles ne sont réussies uniquement si le vice souille la vertu.

La marquise de Merteuil et le Comte de Valmont

Tous deux se connaissent depuis longue date ; tous deux sont aisés, occupent une position sociale favorable ; tous deux nouent des relations privilégiés avec la haute ; tous deux aiment sortir, festoyer, banqueter ; et tous deux surtout, c'est là ce qui les unit, aiment comploter, avancer des projets de déstabilisation non contre le pouvoir, mais contre des personnes qu'elles jugent attirantes pas tant pour leurs qualités, mais au contraire pour leurs failles qui, au contact de la marquise de Merteuil et du vicomte de Valmont, s'ouvrent complètement. On le comprend donc très tôt, le roman fait la part belle à deux manipulateurs qui, pour se désennuyer et mouvementer un tant soit peu leur misérable vie - misérable car ennuyante -, ne trouvent rien de mieux que de pervertir deux esprits : en l'occurrence Cécile Volanges, une demoiselle dans la quinzaine qui bientôt se mariera avec un jeune homme qu'elle n'aime pas, le comte de Gercourt, au détriment de celui qu'elle aime véritablement, le jeune chevalier Danceny ; et la Présidente de Tourvel, une femme mariée, pieuse et fidèle pour qui la vie se résume au mariage, à la famille, aux enfants, à la dévotion.

Ce sont là, Cécile Volanges et la présidente de Tourvel, les deux cibles de la marquise de Merteuil et du vicomte de Valmont. Cécile devient la protégée de la marquise en raison du respect que la demoiselle lui porte naïvement, ne voyant pas que celle-ci a pour but de casser son mariage arrangé avec le comte de Gercourt à cause d'un passif entre les deux, et ne voyant, bien entendu que non, certainement pas qu'elle se joue d'elle pour l'attendrir et en faire une future femme de salon, de cancans, de licence ; quant à la présidente de Tourvel, directrice d'un couvent, c'est une victime collatérale, d'une certaine manière. Le comte de Valmont devait initialement s'occuper de Cécile Volanges sous demande de son amie la marquise de Merteuil, mais considérant cette dernière bien trop juvénile et donc bien trop facile, le comte a décidé de s'en prendre à une dame en apparence plus difficilement atteignable, et qui lui procurerait bien du plaisir une fois son objectif atteint : la présidente de Tourvel. "Vous connaissez la présidente de Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères. Voilà ce que je prétends atteindre : "Et si de l'obtenir je n'emporte le prix, j'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris."

Tout le roman oscille entre les correspondances de chacun des personnages, car oui, Les liaisons dangereuses est un roman épistolaire où chaque lettre nous permet d'entrer un peu plus dans l'intimité des protagonistes, de leurs intentions, de leurs enjeux, de leurs attentes, de leur désespoir ou, au contraire, de leur optimisme. Tantôt la présidente de Tourvel se méfie du vicomte de Valmont, demandant l'avis de Madame Volanges, la mère de Cécile, tantôt elle baisse la garde et s'éprend d'amour pour ce bon et doux séducteur ; tantôt Cécile Volanges s'inquiète pour son mariage arrangé, tantôt elle rêve du grand amour avec le chevalier Danceny, lequel correspond aussi avec le comte de Valmont pour lui soutirer quelque conseil de séduction. Vous l'aurez compris, c'est un roman où tout le monde interagit, et ce, dans des buts distincts ; mais s'il y a bien deux têtes pensantes, ce sont la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont qui se jouent de tous, arrivant même à se jouer l'un de l'autre par pur orgueil, vanité, et soif de pouvoir.

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Un roman libertin

C'est en effet la préoccupation nodale des deux gargouilles que sont la marquise de Merteuil et le comte de Valmont pour qui, encore une fois, seules la perversion et le stupre ont de la valeur ; pour qui seul le mensonge est une vérité, car grâce à lui ils arrivent à leurs fins, c'est-à-dire la manipulation et la destruction gratuite ; pour qui la sensualité est un plaisir dont personne ne doit se passer, car c'est une apothéose, une création divine, une extase sans pareille, d'autant quand leurs efforts, longs de plusieurs mois et de plusieurs intrigues, paient enfin, les récompensent enfin de s'être donné tant de peine. Nous ne divulgâcherons rien, mais la morale de l'histoire, bien que satisfaisante, n'est en réalité que de la pommade, car en fait le mal est déjà fait, et les vies de la présidente de Tourvel et de la touchante Cécile Volanges ne sont, et ne seront plus du tout les mêmes.

Les liaisons dangereuses est donc un roman à lire pour ceux qui aiment ce genre de littérature raffinée, sans fioritures, et dont la maitrise de la langue est exquise ; pour ceux qui, dans un but documentaire, souhaitent avoir, par l'art, une meilleure compréhension des enjeux de l'époque ; ou encore pour ceux qui, par simple curiosité, aimeraient découvrir un classique de notre patrimoine culturel. Du reste, on ne peut rester insensible aux vices de la marquise de Merteuil et du comte de Valmont. On peine à croire, d'ailleurs, qu'il y ait des lecteurs pour les admirer, et considérer notamment la première comme l'une de leurs héroïnes favorites tant tout, en elle, semble rebutant. Comment ne pas voir qu'elle n'aime personne ? qu'elle se sert de chacun comme un instrument pour assouvir ses désirs, pour calmer son ennui ? qu'elle est imbue, se juge meilleure que tous les autres, et que jamais, non, jamais ne s'inclinera-t-elle devant une personnalité, fût-ce-t-elle bien mieux qualifiée qu'elle ? Comment ne pas voir tout cela, et ne pas s'en horrifier sans être, soi-même, une personne vicieuse, égocentrique, manipulatrice ? Comme le dit le dicton : "Qui se ressemble s'assemble", et si cela est vrai dans le cadre de la fiction entre la marquise et le comte, c'est peut-être doublement vrai dans le cadre de la littérature entre les personnages et les lecteurs, non ?

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