Stendhal et le complot des industriels
D'un nouveau complot contre les industriels est un opuscule écrit par Stendhal en 1825, dans le premier quart du XIXe siècle. Mordant, fin et perspicace, que nous dit-il ?
LITTÉRATURE
5/3/20243 min read
Stendhal, l'un des plus grands
On le connait pour La chartreuse de Parme, Le Rouge et le Noir ou encore Lucien Leuwen, et pour cause : Heni Beyle, de son vrai nom, est l'un de nos plus illustres littérateurs. Pour preuve cet opuscule paru en 1825, une époque où la révolution industrielle battait son plein outre-Manche, et s'installait doucement mais sûrement dans la France post-Napoléon. Il est de notoriété publique que les grands écrivains prennent à bras le corps des thématiques qu'ils tiennent à cœur afin de lutter contre l'injustice, le drame et le crime. Telle est la volonté de Stendhal lorsqu'il sort la plume de son fourreau pour, en bon pamphlétaire, incendier la classe bourgeoise.
Les industriels et l'absurdité
Les industriels de l'époque sont les ancêtres spirituels des milliardaires de notre époque : même ambition, même insatiabilité, même voracité, même impassibilité. Quand il faut dominer, écraser, piétiner pour s'accaparer un peu plus, ne serait-ce qu'un peu plus de richesse, l'industriel d'hier ou d'aujourd'hui est présent : il élabore des plans, prospecte, prévoit un ou deux plans de secours, et, en cas de pépin, n'hésite pas à réquisitionner les sommes nécessaires. C'est le constat de Stendhal dès son époque. Pour lui, déjà, la société fait face à une menace aussi dangereuse que vicieuse.
En effet, l'industriel, par cela qu'il est riche et qu'il possède les biens matériels, inspire insidieusement les classes inférieures, les jeunes en mal de sens ou les voraces avides de gloire. Son pouvoir est d'autant plus pernicieux qu'il sait être invisible. Comment ? En acquérant la presse. Oui, déjà, deux siècles avant le nôtre, l'industriel montrait la voie à son prédécesseur : l'industriel d'aujourd'hui. Pour éviter les révoltes et polir sa réputation, pour dédramatiser certains accidents inhérents à l'inhumanité des usines, le riche patron n'hésite pas, puisqu'il possède les journaux, à propagander ses vertus. Il a beau savoir que c'est faux, il s'en moque éperdument, car lui, ce qu'il veut, c'est perdurer son absurdité, c'est-à-dire sa poursuite sans limite de richesse et de pouvoir.
L'industriel d'aujourd'hui
Nous tairons les noms afin d'éviter toute polémique - aussi parce que nous pensons qu'il n'y a pas, en soi, de personnalités plus dignes d'être épinglées que d'autres -, mais aujourd'hui, à l'ère du numérique où les journaux sont trouvables de partout, aussi bien dans le sac à dos que dans la poche, et sont écoutables à longueur de journée aussi bien dans le métro que sur le vélo, il n'est absolument pas délirant de suspecter certaines informations people ou controversées comme des contre-feux. A l'époque de Stendhal, si l'industriel faiblissait dans sa volonté propagandiste, passe encore ; mais aujourd'hui, à l'époque de l'hyperconnexion et des réseaux, la moindre faute d'inattention se paie directement. Il n'est donc pas exclu, même de nos jours, que les milliardaires utilisent la presse et internet pour jouer de leurs carnets d'adresses, et tromper, et se bâtir une saine image, et maquiller la réalité, cacher ses cocards, ses bobos, ses coulisses.
D'un complot contre les industriels, une confiserie littéraire
Tel un bonbon en effet, il n'est pas cher, il est gourmand et rapide à avaler (48 pages). C'est un bel ouvrage pour se familiariser avec la plume stendhalienne, comprendre une problématique d'alors et la mettre en perspective dans le présent, et, en plus, c'est édité chez une petite mais travailleuse maison d'édition. Que demander de mieux pour la soutenir ?