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1984, un roman graphique signé Xavier Coste

Classique est l'adjectif qui désigne l'œuvre originale de George Orwell. Comme tous les gros succès, il méritait bien une adaptation. Alors, ce 1984 est-il une réussite ?

LITTÉRATURE

8/9/20245 min read

Big Brother is watching you
Big Brother is watching you

1984, classique de la littérature

L'un des piliers de la littérature mondiale en effet. Publié en 1949, 1984, nourri par Le meilleur des mondes, d'Aldous Huxley, lui-même nourri par le Nous d'Evguéni Zamiatine, est un roman qui explore les intrications du totalitarisme du XXe siècle, et par extension, tous ceux qui suivront, dans notre siècle comme dans les prochains. Informé par des contacts des services secrets britanniques, le MI-6, et s'inspirant grandement de ce qu'il déplorait en URSS, George Orwell a eu le génie, en quelques mois seulement, de rédiger une œuvre intemporelle - d'autant plus intemporelle qu'elle est remise au goût du jour grâce à une adaptation en roman graphique de Xavier Coste.

1984, de Xavier Coste

Contrairement à Le meilleur des mondes, d'Aldous Huxley, le 1984 de George Orwell, est d'une obscurité traumatisante pour une première lecture. Si en effet, le premier se pare des habits de la festivité et se parfume d'un air de liberté pour cacher son aliénation, faisant croire aux citoyens qu'ils sont libres comme l'air ; le second est quant à lui résolument obscur, c'est-à-dire que tout est contrôlé de A à Z, chaque citoyen en est conscient, et bien pire que d'en être conscient, s'y conforme par peur d'être supprimé, autrement dit réinitialisé, largué dans les limbes du lavage de cerveau. Tout y est donc étroit, claustrophobique tant intérieurement qu'extérieurement ; les moyens d'actions sont réduits à néant ; l'individu n'est réduit qu'à un rôle mécanique, sans saveur, sans valeur, un simple boulon dans la mécanique sociale, dans cette société scientifique, oui, comme Le meilleur des mondes, mais scientifique non pas dans un but de consommation, comme le veut le capitalisme, mais dans un but de robotisation, comme le veut le communisme.

1984 est bien plus politique que son modèle. Le manuscrit lu par le personnage principal est une mise en abyme fascinante dans les rouages du système de Big Brother, lequel terrifie tout le monde, lequel domine tout, préserve tout du chaos et de la guerre en mentant et manipulant. Mais Big Brother existe-t-il réellement ou est-il une construction artificielle ? un symbole bon à dissuader les soulèvements en donnant l'illusion qu'un chef, de toute façon, les materait ? Grâce à son ministère de la Vérité, lieu dans lequel travaille Winston, il manœuvre les archives, arrange le passé en fonction de la réalité du moment, ce qui fait, comme le présent est en perpétuel changement, et que le passé est figé, à une réécriture de l'histoire quotidienne, dans le moindre détail : la moindre faut d'inattention et c'est l'édifice qui s'écroule. Comment, aujourd'hui, ne pas songer au wokisme qui réécrit l'histoire mondiale, et plus spécifiquement l'histoire occidentale, pour convenir aux exigences actuelles, quitte à mentir éhontément ? quitte à placer une actrice métisse dans le rôle de Cléopâtre, d'une lignée pourtant Grecque ? quitte à placer un acteur noir dans une série sur Ragnar Lothbrok ? quitte, comme s'est essayé le studio Ubisoft, à mettre au premier plan un personnage noir, le faisant passer pour pivot, alors qu'il est pourtant mineur dans l'histoire japonaise - raison de quoi les autorités japonaises se sont insurgées contre ce projet ?

Nous pourrions bien sûr étayer notre chronique sur le novlangue, ses imbrications, ses motivations, ses conséquences, puis analyser plus profondément encore le manuscrit lu par Winston tard le soir, dans cette chambre à l'abri de la surveillance policière - police secrète ceci dit ; mais notre objectif n'est pas d'écrire un article sur le roman de George Orwell, mais bien sur les desseins de Xavier Coste.
L'adaptation en roman graphique, à l'instar de celle de Fred Fordham pour Le meilleur des mondes, est fort respectueuse de l'œuvre originale de George Orwell. Elle retranscrit bien cette tonalité désespérée, cette architecture minimaliste, profondément soviétique, et notamment cette solitude non pas proscrite comme chez Huxley (chez lequel la solitude est oblitérée par le consumérisme), mais imposée pour empêcher tout rassemblement, toute sociabilité, afin de bien casser l'individu sous le poids du régime, faire en sorte qu'il ne se retrouve nulle part, et qu'il se croit, en cas de conscience, comme une anomalie.

Une question : dans le fond, notre société est-elle un savant mélange entre Le meilleur des mondes et 1984 ? c'est-à-dire entre ce consumérisme outrancier, déshumanisant, intenable, éreintante sur le long terme, et cette surveillance constante, cette mécanicité des rapports humains, de la division du travail, cette fausse narration entre les blocs continentaux (qui publiquement font croire qu'ils se mènent une lutte sans merci, alors qu'en privé, lors des sommets, ils œuvrent main dans la main), puis cette organisation sciemment organisée de la minute de la haine afin d'expier les frustrations des citoyens (ici ce serait alors la consommation des corps et l'utilisation des drogues, voire carrément, comme on le constate aujourd'hui, la tolérance envers le crime, sans plus aucune justice pour condamner les coupables et protéger les victimes, inversant même l'ordre des choses : les victimes condamnées, les coupables protégés), et donc éviter qu'ils disjonctent au beau milieu de la rue, craquelant la tranquillité apparente du pays, grâce, et uniquement grâce, à cet endoctrinement si bien mené qu'il empêche, couplé à la neutralisation du langage, toute forme de rébellion ?

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"La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force."

Nous ne démordons pas : Le meilleur des mondes et 1984 sont les plus fascinantes dystopies, à ce jour, de la littérature mondiale ; d'autant plus fascinantes qu'elles se complémentent, apportent, chacune à leur façon, une vision particulière du totalitarisme : l'insidieux, celui que personne ne devine ; le frontal, celui envers lequel chacun se soumet. Et si les romans sont distinctifs, les adaptations tantôt de Fred Fordham pour le premier, tantôt de Xavier Coste pour le second, sont elles représentatives de leur ambiance : la première est nimbée d'une touche cyberpunk, d'une palette de couleurs psychédélique, d'une sordidité voilée par la joliesse des apparences ; la seconde est sans espoir, carrée tels les bâtiments soviétiques, monochrome presque, comme si elle soufflait cette mort présente en chacun, et que chacun attendait, résigné, à défaut de vivre pleinement.

Une caméra blanche sur fond rouge
Une caméra blanche sur fond rouge

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