Bohemian Rhapsody est-il le meilleur biopic de l'histoire ?
Il y a des films mémorables, qui marquent sitôt, dès la scène d'ouverture, et qui ont une ambiance, un parfum, une âme qui les rend inoubliable. Pourquoi Bohemian Rhapsody est de cette catégorie ? et pourquoi peut-on, à ce jour, le qualifier comme l'un des meilleurs biopics musicaux de tous les temps ?
CINÉMA
8/21/20246 min read


Queen, un groupe légendaire
Si vous êtes fan de musique ; si vous aimez les sons old school ; et si vous aimez particulièrement le rock, alors le groupe britannique Queen, composés de Freddie Mercury, Brian May, John Deacon et Roger Taylor, ne vous est pas étranger. Et mieux que de ne pas vous être étranger, il est probablement l'un de vos boys band, si ce n'est votre boys band préféré. En effet, lorsque l'on évoque Queen, comment, premièrement, ne pas songer à ce magnifique logo, s'inspirant des armoiries de la couronne royale ? comment, deuxièmement, ne pas se remémorer les classiques de la chanson moderne, que sont Don't me now ?, Another One Bites The Dust, Under Pressure, Crazy Little Thing Called Love, Break Free, We Will Rock You, We Are The Champions ? enfin, comment ne pas s'émerveiller devant le génie de Freddie Mercury ? devant sa bonhomie ? devant sa générosité ? sa transcendance musicale ? ses performances ? sa sensibilité ? Au fait qu'elle histoire cache-t-il ? Le plus gros chef-d'œuvre de Queen, aka Bohemian Rhapsody, est-il, au-delà du message inspirant, l'âme même de Freddie Mercury, c'est-à-dire son plus bel héritage ?
Bohemian Rhapsody : Queen et Freddie Mercury sur grand écran
Freddie Mercury est un décalé, un jeune homme efféminé de prime abord, mais profondément viril, car courageux, car déterminé à poursuivre la voie de son cœur, celle du chant, des sonorités, de la mélodie à travers laquelle il s'exprime librement, et se transforme, loin du Freddie privé, introverti et timide, en un chanteur mu par la passion, le génie musical.
Le film commence par la fin, c'est-à-dire que, pour nous titiller, il nous annonce ce qui nous attend : Live Aid. C'est alors un slow motion qui accompagne Freddie Mercury pendant dans sa marche vers la scène, pendant que les techniciens font les derniers ajustements et que la foule acclame, impatiente, son héros - le héros de ses rêves.
C'est alors que l'on découvre l'histoire derrière la formation du groupe Queen, totalement inopinée. Freddie s'impose, car il sait qu'il a quelque chose à apporter à ces deux gugusses assis dans le coffre d'un camion, laissé en plan par leur chanteur. Ils le toisent, se demandent ce qu'il peut bien leur proposer, lui, cet inconnu, mais sous les bons arguments de Freddie, ils lui accordent, dubitatifs tout de même, une chance. De là le début de leur collaboration. De là, ils ne le savent pas encore, le début d'une renommée mondiale. Ils performent dans les bars d'abord, organisent de petits concerts, et Freddie, en parallèle, rencontre le grand amour de sa vie : Mary Austin. L'amour fou, passionnel, synergique entre les deux. Indécollables, ils se racontent tout, se partagent leurs rêves les plus fous, se promettant une fidélité jamais vue. Evidemment, c'était méconnaitre le destin tragique de Freddie Mercury qui, outre le fait de goûter à un succès de plus en plus grandissant, l'obligeant à voyager dans tous les Etats-Unis, a toujours eu en lui ce décalage, cette douleur sourde, ce manque d'amour causé, sans doute, par le dédain et l'exigence de son père, qui l'a toujours rabaissé et désaimé car, justement, comme nous le disions en début d'article, son fils avait une apparence efféminée, un garçon bien trop sensible pour être son fils.
Conséquence de quoi Freddie Mercury s'est développé avec un manque en sa poitrine, un vide qui se comblait dans la musique : sur scène il recevait de l'amour à foison, des cris, de l'admiration, des pleurs de vertige devant sa grandeur, devant le torrent émotionnel qu'il renvoyait micro en main, accompagné par la guitare, les basses, l'instrumental de ses chansons. Ses paroles, il s'en rend vite compte, percent les cœurs, unissent les personnes comme lui, les décalées, les sensibles, les poètes, ce qui n'accroit que plus son addiction envers les acclamations ; ainsi il pourra résorber ce vide, guérir, vivre paisiblement. Là encore, c'était méconnaitre la tentation de la gloire : plus il grimpera, plus l'avidité le rongera. En bonne rock star il voudra tout ; il voudra toute la fascination du monde ; il voudra vivre à deux mille à l'heure ; il voudra tout croquer, tout découvrir, tout expérimenter une fois au moins, car de la sorte, à défaut de guérir, il oubliera certainement la viduité qui le peine une fois seul face à son piano, le poussant à rédiger des textes perforants, hautement littéraires. En artiste torturé, Freddie Mercury ne s'exprime que dans l'art, et il n'y a qu'à écouter ses musiques, qu'à se laisser bercer par la rythmique des batteurs et des guitaristes, qu'à lire ses textes pour comprendre qu'il recèle en lui un souffle magistral, une magie sublime, une puissance épique qui décuple les émotions, transcendant sa souffrance en bénédiction, ses ténèbres en lumière.
En revanche, son prestige a un revers de médaille : l'isolement. L'isolement à cause de sa nouvelle popularité, bien sûr ; mais l'isolement aussi à cause de ses caprices qui l'ont poussé à se séparer de Mary Austin, la femme de sa vie, à se séparer du groupe, les hommes de sa vie, et à, dans cette déperdition, fricoter avec la sangsue qui lui transmettra le sida, causant son décès en 1991. La scène entre lui et Mary, sous la pluie après avoir quitté sa maison vide, dépourvue de vie, de joie, de chaleur, d'amour, est poignante : Freddie Mercury conscientise qu'il a tout perdu, qu'il a emprunté, au carrefour des choix, le mauvais chemin, et qu'il doit rattraper ses erreurs pour renaitre. Son histoire est donc inspirante car c'est un monstre artistique, mais surtout parce qu'il est profondément humain, et donc attachant.
Quant à la réalisation, elle est organique, linéaire ; elle retrace le parcours de Queen de sa création à son apogée : Live Aid. L'on assiste en temps réel aux compositions de leurs musiques légendaires ; l'on se dynamise à leur audition ; l'on se fascine pour cette négociation entre les membres du groupe et leur producteur, à l'époque l'un des plus notables, qui se répugnait à l'écoute de Bohemian Rhapsody, leur réclamant la traduction de chacune des paroles, notamment de "Bismillah", chose à quoi Freddie Mercury, dans sa fierté d'artiste, menton haut, torse bombé, réponde que c'est de l'arabe, qu'il y a aussi de l'indien et que c'est là un moyen de toucher toutes les parties du monde. Le producteur refuse, arguant qu'elle est de toute manière trop longue (5minutes), et que personne n'aimera ce mélange des langues, quitte à refuser le titre des 80's - preuve, une fois de plus, que l'avant-gardisme, en art, est toujours rejeté avant d'être accepté comme un standard absolu.
Le rythme du film est donc bon, très bon, et tout se synthétise lors du concert final. Tout se synthétise car les paroles de chacune des chansons semblent, à la place des événements ou de la simple narration, conclure les ressentis de Freddie Mercure, comme si, au piano, face au public, il passait aux aveux, racontait tout son parcours du début à la fin, et qu'il annonçait sa disparition prochaine insidieusement. Pendant 20 minutes au moins, l'on assiste à ce concert lors duquel tous les plus gros hits de Queen s'enchainent, et lors duquel Ramie Malek offre une interprétation remarquable, littéralement habité par son rôle, comme si chantait, s'agitait, réapparaissait Freddie Mercury à travers lui.
Bohemian Rhapsody, un biopic classique
En tant que profanes dans l'histoire précise de Queen, nous n'avons point été dérangé par des détails imprécis ou passés sous silence ; en revanche, en tant que profanes justement, ignorant tout du groupe, nous avons été transportés dans leur univers grâce à une réalisation efficace, une bande-son majestueuse, un jeu d'acteur impressionnant en la personne de Rami Malek - même si sa prothèse dentaire est assez grossière, en rien représentative de la dentition de Freddie Mercury, si bien que l'on sent, à certains moments, que l'acteur est gêné dans son articulation -, et un bouquet final, encore une fois, mémorable. Pas un hasard si, jusqu'à l'avènement d'Oppenheimer, de Christopher Nolan, Bohemian Rhapsody était le biopic le plus rentable de tous les temps avec 950 millions de recettes au box office mondial. Pas un hasard non plus si c'est le prochain film que vous visionnez. N'est-ce pas ?















