Dune 2 : un Messie dénommé Lisan Al Gaib
Après deux ans d'attente, Dune 2 répond-il aux attentes des fans ? Denis Villeneuve accelère-t-il le rythme, les enjeux ? les conflits prennent-ils enfin de l'ampleur ? Réponse après lecture.
CINÉMA
4/24/20244 min read


Arrakis, planète désertique
Après l'arrivée de Paul Atréides sur Arrakis à la fin de la Première partie, on devinait une planète chaude, bouillante, aride ; une planète dont l'écosystème semblait aussi inhospitalier que les Fremen ; une planète où toute forme de vie, pour se développer et survivre, était obligée de se cacher sous terre pour fuir le plus grand prédateur de la chaine alimentaire : le soleil. A l'image de ses rayons, la Deuxième partie de Dune est bien plus colorée que Caladan, la Terre de naissance de la famille Atréides, où, tel un contraste, celle-ci arborait une ambiance au style lunaire, avec des couleurs blanches, grises, ternes. Arrakis, elle, est tout le contraire. Nous voilà sur une désertique où seules quelques montagnes entourées de dunes forment le paysage.
C'est un peuple habitué à la survie, à l'errance et l'exode. Les Fremen, terrés dans leurs galeries souterraines, ne sortent que pour repousser l'ennemi, faire du repérage ou s'entrainer aux techniques de combat. C'est ainsi que Paul Atréides, en ce début de film, se familiarise avec leurs us et coutumes. Faisant toujours face à la défiance de certains, il se tait, écoute, apprend, pose des questions et peut compter sur l'appui inné, instinctif, mystique de Stilgar (Javier Bardem). A ses côtés, et comme il le perfectionnera avec Chani (Zendaya), il arpente convenablement le sable, danse avec lui, se synchronise avec son rythme, le sent en lui comme en dehors de lui ; puis de fil en aiguille, sa discrétion en quelque sorte récompensée, Paul combat avec ce peuple, attaque les escadrons Harkonnen, pulvérise et enflamme leurs vaisseaux et leurs machines, et, en guise de recyclage, absorbe l'eau des cadavres afin de ravitailler son respirateur en oxygène. Ainsi que les Fremen font pour se réapprovisionner en eau. Ainsi, aucun gaspillage, aucune pénurie, et malgré la raréfaction de cette denrée essentielle à la vie, c'est comme si, finalement, l'eau coulait à profusion.
Les Fremen, ce peuple du désert




Bien plus que d'étancher sa soif, bien plus que d'arroser les légumes et la végétation, bien plus que d'entretenir le cheptel, l'eau, sur Arrakis, est une ressource religieuse. Comme le démontre Stilgar à Dame Jessica (Rebecca Ferguson), l'eau ne se perd jamais, et outre l'information partagée plus haut, elle sert avant tout à remplir des bassins de 38 millions de litres et qui ont, eux, vocation à revitaliser la planète lors de l'avènement du Messie. Au lieu d'enterrer les défunts, de planter la croix, de prier et de fleurir leurs tombes, les Fremen, eux, en lien avec leur croyance, déminéralisent les cadavres, les assèchent, aspirent leur eau et la déversent dans ces bassins, sorte de fausse commune. Ici qu'ils se recueillent, invoquent leurs proches, se reconnectent à eux et espèrent de jours meilleurs.
La spiritualité des Fremen
Ce n'est un secret pour personne, les Fremen sont scindés en deux camps : ceux qui croient en la prophétie ; ceux qui sont dubitatifs. En cela c'est une opposition de style entre religieux et athéistes ; entre le mysticisme et le rationalisme ; entre le sens de l'existence, le verticalité, l'appel de l'au-delà et l'absurdité, l'absence de magie et d'imagination. Le messianisme exploré dans Dune 2 est fascinant ! Sous-couvert de fiction, le sujet est ô combien actuel. Stilgar, l'invétéré fidèle à Paul Atréides, croit fermement en son rôle, en sa puissance, en son destin. Il le défend, le suit et le guide. Et derrière lui c'est toute sa tribut qui poussent Paul et qui, à chacune de ses victoires contre les Harkonnen, voient en lui l'approche du Paradis.
Les Fremen, sur leur terre désolée, s'appuient sur des fondements religieux. Leur moralité, leur habitation, leur société reposent sur l'espérance en des jours meilleurs - en l'occurrence un Paradis vert, où l'eau accumulée, tous ces bassins protégés du monde, pourront enfin se déverser et réabreuver Arrakis. Mais l'élément le plus flagrant de cette spiritualité s'identifie indéniablement en un point : les Révérendes Mères. Nous ne reviendrons pas, ici, sur leurs spécificités ni sur le chamboulement auquel on assite dans le film ; en revanche, il est indiscutable qu'elles sont, pour les Fremen, d'une importance capitale, qu'elles tiennent ce peuple en estime et vice-versa, et que leurs visions, inexplicables pour tous, renferment des secrets qu'elles seules sont capables de décrypter.
Quant à Paul, il est là, seul, face aux réticents et aux fanatiques. Par les événements il boit un breuvage grâce auquel il fait un rêve, et grâce auquel, enfin, il se fait accepter des Fremen. Accompagné de La Révérende Mère, il restructure totalement l'équilibre de ce peuple, redonne espoir, convainc les derniers incroyants, et, dans une scène qui donne la chair de poule, se dévoile au grand jour, impose le respect, hausse le ton, lit les attentes de tous et, au milieu du temple, au milieu des espérances de toute une planète, réunit toutes les tribus d'Arrakis. Il est le Muad'Did. Bien plus : il est Lisan Al Gaib.
L'eau, l'or bleu d'Arrakis




Dune, Deuxième partie : une réussite ?
Nous n'avons évidemment pas tout décortiquer : de un, nous voulons absolument vous laisser le plaisir de la découverte ; de deux, c'est une projection d'un peu moins de trois heures, et nous n'avons ici pas le temps de rentrer dans tous les détails. Néanmoins oui, cette deuxième partie est une réussite sur tous les plans : la photographie est ahurissante, les décors somptueux, les enjeux et les effets spéciaux captivants, et le rythme, lui, est bien plus emballant que la Première Partie, à la fin de laquelle nous craignions une suite raplapla. Il n'en est rien. Denis Villeneuve a réussi son deuxième volet, mêlant l'épique à la moralité, les péripéties à l'accalmie, le sanguinaire à la contemplation. Alors que nous étions, à l'instar de certains Fremen à l'égard de Paul, dubitatifs quant aux promesses du deuxième film, nous voilà complétement rassurés, et, mieux, désormais impatients : vivement le bouquet final de cette trilogie.